Alors que le rapport sur la santé au travail de la députée Charlotte Lecocq vient d’être dévoilé, c’est un autre rapport qui fait parler de lui : celui de Paul Frimat.

Professeur de médecine du travail au CHRU de Lille, Paul Frimat s’est vu confier en novembre 2017 par les ministres du Travail et de la Santé une mission sur les agents chimiques dangereux. Cette mission portait plus précisément sur le suivi de l’état de santé des salariés exposés et la traçabilité de cette exposition.

Le rapport, pourtant remis en avril dernier, n’a toujours pas été rendu public et dort encore dans les tiroirs du ministère.

 

Santé & Travail a néanmoins eu accès à ce document et rendu public les vingt-trois recommandations présentes dans ce rapport.

En y regardant de plus près, il est possible de remarquer de fortes différences avec le rapport rédigé par Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis (consultant en management) et Henri Forest (ancien médecin du travail et ex-secrétaire de la CFDT).

Si le rapport Lecocq est tourné sur la restructuration globale de tous les acteurs de la santé et de la sécurité au travail, le rapport Frimat, lui, se veut plus technique et insiste sur la nécessité de mieux faire respecter la réglementation quitte à prendre des mesures contraignantes.

 

Le rapport Lecocq : la prévention au sein d’une unique entité

Dans ce rapport de 174 pages, Charlotte Lecocq, Bruno Dupuis et Henri Forest proposent « une simplification du fonctionnement à la faveur d’un rassemblement au sein d’une entité unique de prévention ». Nommé « France Santé Travail », cet organisme public réunirait l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité), l’Anact (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail) et l’OPPBTP (Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics).

A ceci s’ajouterait la création de structures régionales de droit privé permettant d’« assurer à toutes les entreprises et à leurs travailleurs, sur chaque territoire, une offre de service certifiée, homogène, accessible et lisible ». Ce guichet régional aurait pour mission d’assurer le suivi individuel des salariés, conseiller les employeurs en terme de prévention des risques et former les différents acteurs chargés de la prévention de l’entreprise.

 

Le rapport Frimat : renforcement des contrôles du risque chimique

Parmi les recommandations phares de ce rapport, Paul Frimat propose de sanctionner les employeurs qui ne respecteraient pas leurs obligations réglementaires concernant le risque chimique et d’allonger la durée de l’arrêt temporaire d’une activité liée à l’utilisation de certains agents chimiques en cas de manquement grave aux mesures de prévention des risques.

Parmi les vingt-trois recommandations, certaines sont destinées à améliorer la prévention de l’exposition des salariés au risque chimique et d’informer davantage les acteurs de la prévention. Paul Frimat suggère par exemple de « compléter la liste des travaux interdits aux salariés titulaires d’un CDD ou d’un contrat de travail temporaire »« mettre à disposition des entreprises des repères qui leur permettent d’évaluer leurs actions de prévention » et d’« instaurer un dispositif de taxation des agents chimiques les plus dangereux, en particulier les CMR, dans l’objectif de financer la toxicovigilance ainsi que la recherche associée ».

 

Il ne reste plus qu’à attendre de savoir ce que le gouvernement retiendra de ces deux rapports dont les recommandations ne s’inscrivent pas dans la même logique.

Pour l’heure, comme le relate le magazine Challenges, les syndicats CGT, FO et UNSA ont un avis critique sur le rapport Lecocq et craignent un « risque de déresponsabilisation des entreprises » et des « moyens réduits ».

La santé au travail sera au cœur des discussions ces prochaines semaines entre le Premier ministre et les différents partenaires sociaux qui doivent se rendre à Matignon.